S’il était autrefois impensable de demander à un photographe professionnel d’immortaliser des funérailles, cette pratique se normalise aujourd’hui. Pourquoi la photographie funéraire a-t-elle autant de valeur pour les proches ? Et que peuvent-ils en attendre ? La photographe funéraire Riet Verheyen et l’entrepreneur de pompes funèbres Monica Vandeurzen évoquent le pouvoir réconfortant de ce souvenir éternel.
Mariages, naissances, communions… Les photographes professionnels immortalisent ces instants depuis des décennies. Ils s’invitent aussi depuis peu lors du dernier événement marquant d’une vie : les funérailles.
L’entrepreneur de pompes funèbres Monica Vandeurzen explique ce phénomène par la démystification du tabou qui entoure la mort : « Avant, on n’aurait jamais pensé faire appel à un photographe pour immortaliser des funérailles. Mais les cérémonies sont de plus en plus personnalisées et visent de plus en plus à célébrer la vie des défunts. Elles sont une sorte d’hommage. Les proches cherchent des moyens de se remémorer ce moment et de l’immortaliser. C’est pourquoi nous leur proposons toujours de faire appel à un photographe funéraire. Les familles sont de plus en plus ouvertes à cette idée », souligne Monica.
« Nous prenons notamment des photos durant la cérémonie d’adieu, à l’église ou dans la salle de cérémonie », ajoute la photographe funéraire Riet Verheyen de Passe-Partout Photographie. « Nous sentons parfois quelques regards interrogateurs, mais les réactions sont globalement positives. Surtout de la part des proches, auxquels ce dernier souvenir tangible apporte beaucoup de réconfort. »
Les proches sont généralement submergés par l’émotion pendant les funérailles. Ils vivent la cérémonie dans une sorte de brouillard émotionnel et ne prêtent pas attention aux choses qu’ils considéreront comme importantes a posteriori : les fleurs posées sur le cercueil, le déroulement du dernier hommage… Les photos permettent de revivre l’adieu plus tard, en toute sérénité.
Souvent compilés dans un album photo, les clichés sont une source de réconfort parce qu’ils constituent un souvenir matériel, mais aussi parce qu’ils montrent l’amour et le soutien qui régnaient au cours de cette journée. Ils permettent, en outre, de partager des moments avec les membres de la famille absents à la cérémonie.
Riet parle d’expérience : « Quand j’ai perdu ma maman il y a plusieurs années, j’ai pris quelques photos avec mon GSM au funérarium. Elles m’ont réconfortée, mais je regrette de ne pas avoir immortalisé les funérailles. J’ai donc décidé de proposer mes services de photographe funéraire. J’avais déjà de l’expérience dans la photographie. Je veux désormais pouvoir offrir aux gens ce qui m’a tant manqué. »
Riet (à gauche) et Monica (à droite)
Que peuvent attendre les familles d’un photographe funéraire ? Riet : « Les familles posent leurs limites. Veulent-elles des photos du défunt ? Où veulent-elles que les photos soient prises ? Je respecte leurs souhaits. Il est essentiel de consulter la famille et l’entrepreneur de pompes funèbres au préalable. »
La mission la plus spéciale acceptée par Riet jusqu’à présent l’a amenée à immortaliser un décès prévu. « J’ai été invitée à prendre des photos lors d’un week-end familial auquel participait le père en phase terminale. Après l’adieu définitif, on m’a demandé de photographier aussi les visites, la décoration du cercueil par les petits-enfants et les funérailles. La famille m’a été très reconnaissante du résultat et moi de la confiance qu’elle m’a accordée. »
La photographie funéraire requiert discrétion et respect. « Les photographes doivent s’adapter à la charge émotionnelle du moment et avoir conscience du caractère délicat de la situation », explique l’entrepreneur de pompes funèbres Monica.
Riet : « Mon objectif est que les gens ne remarquent pas ma présence aux funérailles. Je dois me fondre dans le décor. Je ne me place donc jamais au premier rang et je porte des tenues très sobres. Et il va sans dire que je respecte la volonté des personnes qui ne souhaitent pas être photographiées. »
Enfin, l’empathie est essentielle. Riet ne photographie jamais les gens face à leur détresse. Elle préfère capturer l’ambiance et les détails importants pour les familles endeuillées. « Je traque les gestes subtils, comme une main posée sur une épaule ou un sourire à travers des larmes. Je saisis ainsi la beauté et le sens des moments les plus sombres. »